nombre de travaux qu’il dispersa dans tout son pays, au grand plaisir des peuples et pour son plus grand profit ; de jour en jour, aidé par l’expérience, il fit plus grand et meilleur. La renommée de son invention se répandit peu après, non seulement en Flandre, mais encore en Italie et dans d’autres pays, et inspira aux artistes un vif désir de savoir par quel moyen il donnait à ses ouvrages tant de perfection. Voyant ses œuvres et ne connaissant pas son secret, ils ne pouvaient que lui donner des éloges et lui porter envie, d’autant plus qu’il ne consentait pas plus à travailler en présence de qui que ce fût, qu’à livrer son secret. Finalement, étant devenu vieux, il le confia à Roger de Bruges[1], son élève, qui le transmit à Ausse[2], son élève, et à plusieurs autres. Les marchands faisaient l’acquisition de leurs œuvres et les envoyaient par tout le monde aux princes et aux grands personnages, à leur grand avantage, mais le secret ne sortait pas de la Flandre. Comme ces peintures avaient en elles l’odeur pénétrante qui provenait des huiles mélangées aux couleurs, surtout lorsqu’elles étaient fraîches, il paraissait possible de deviner la recette ; cependant personne, pendant de longues années, ne la découvrit. Quelques Florentins, qui faisaient du commerce en Flandre et à Naples, ayant envoyé au roi Alphonse de Naples un tableau rempli de figures et peint à l’huile par Jean[3], cette œuvre plut infiniment au roi, pour la beauté des figures et pour la nouveauté du coloris. Tous les peintres du royaume accoururent pour le voir, et lui donnèrent de grands éloges.
À cette époque, un certain Antonello[4], habile dans son art, d’un esprit vif et cultivé, qui avait étudié le dessin, longtemps, à Rome, s’était fixé à Messine, sa patrie, après avoir travaillé quelque temps à Palerme. À Messine, ses œuvres avaient confirmé dans l’esprit de ses concitoyens la bonne opinion que tout le pays avait de lui. Ses affaires l’ayant appelé un jour à Naples, il entendit parler du tableau à l’huile de Jean de Bruges, que possédait le roi Alphonse et qui, disait-on, résistait à l’eau et au toucher et ne laissait rien à désirer pour être parfait. Ayant obtenu de le voir, il fut tellement frappé de la vivacité des couleurs, de la beauté et de l’unité de cette peinture, que, laissant de côté ses affaires et toute autre pensée, il s’en alla en Flandre. Arrivé