Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de fûts de colonnes et d’autres débris, et que celui qui le travaille doit d’abord s’assurer s’il a vu le feu. Car dans ce cas, s’il ne perd pas entièrement sa couleur, et s’il ne se défait pas, il manque néanmoins toujours de cette vivacité de ton qui lui est propre, et ne se laisse pas polir aussi facilement que lorsqu’il n’a pas vu le feu. Ce qui est pire encore, le porphyre qui a vu le feu éclate facilement quand on le travaille. Il faut savoir également, quant à la nature du porphyre, que, mis au fourneau, il ne subit pas la cuisson et ne laisse pas se cuire les pierres qui l’entourent. Au contraire il augmente de verdeur, comme en font foi les deux colonnes que les Pisans donnèrent aux Florentins l’an 1117, après l’acquisition de Majorque, et qui sont aujourd’hui à la porte principale de San Giovanni ; le poli en est peu brillant, et elles n’ont plus de couleur, pour avoir vu le feu, comme le raconte Giovanni Villani dans son Histoire[1]. Le serpentin, ou serpentine, vient après le porphyre ; c’est une pierre de couleur verte un peu foncée, semée entièrement de petites croix allongées et jaunes. Les artistes s’en servent de la même manière pour faire des colonnes et des carreaux de pavage, pour les édifices. On n’a jamais vu de statues exécutées dans cette matière, mais bien une quantité de bases pour des colonnes, des pieds de tables, et d’autres travaux plus communs. Cette pierre se fend facilement, bien qu’elle soit plus dure que le porphyre, et le travail en est doux, moins pénible que celui du porphyre. On l’extrait en Égypte et en Grèce ; sa solidité, une fois qu’elle est en morceaux, n’est pas grande ; aussi n’a-t-on jamais vu d’œuvre en serpentine qui ait plus de trois brasses dans tous les sens. On en fait des tables et des morceaux de carrelage. On en fait aussi quelques colonnes, mais ni grandes ni larges, ainsi que quelques masques et consoles, mais jamais de figures. Cette pierre se travaille de la même façon que le porphyre.

Le cipollaccio est beaucoup plus tendre. Cette pierre, que l’on extrait en divers endroits, est de couleur vert vif tirant sur le jaune ; elle est semée de taches noires carrées, grandes et petites, ainsi que de blanches assez grosses. Dans plusieurs endroits on voit des colonnes de cette matière, grosses ou minces, des portes et d’autres ornements, mais non des figures. Il y a à Rome, au Belvédère, une fontaine qui est en cipollaccio ; c’est une niche, dans le coin du jardin, où se trouvent les statues du Nil et du Tibre. Le pape Clément VII la fit élever sur le dessin de Michel-Ange, pour servir de cadre à un fleuve antique,

  1. Livre IV, ch. xxx.