vérité, celui qui considère la grandeur de cette œuvre restera stupéfait en pensant que l’esprit de Filippo ait pu concevoir un aussi grand édifice, dont la façade est aussi magnifique que la répartition des chambres. Je ne parle pas de la vue qui est admirable, et de l’espèce d’amphithéâtre que forment les collines agréables qui entourent le palais, du côté des murs ; en un mot, on ne saurait imaginer de bâtiment royal qui lui soit supérieur.
Pour revenir à Filippo, sa renommée s’était tellement accrue que, de tous les côtés, ceux qui avaient besoin de faire des constructions envoyaient vers lui pour lui demander des dessins et des modèles ; on mettait en jeu des amitiés et des relations extraordinaires. C’est ainsi que le marquis de Mantoue, désirant l’avoir, le demanda avec grandes instances à la Seigneurie ; il alla donc à Mantoue[1], et donna, l’an 1445, les dessins des digues du Pô et de divers ouvrages, selon la volonté de ce prince, qui lui fit de grandes caresses, répétant que Florence était aussi digne de compter Filippo parmi ses citoyens que lui était digne d’avoir une si belle et si noble cité pour patrie. Pareillement, à Pise, le comte Francesco Sforza et Niccolo da Pisa, qui restèrent vaincus par lui dans le tracé de certaines fortifications, le louèrent fort en sa présence, disant que, si chaque Etat avait un homme semblable à Filippo, il pourrait se croire en sûreté sans armée. À Florence, il donna encore le dessin de la maison des Barbadori, à côté de la tour des Rossi, dans le Borgo San Jacopo, qui ne fut pas exécutée, et de même le dessin de la maison des Giuntini, sur la place d’Ognissanti sopra Arno. Les capitaines du Parti guelfe de Florence ayant formé le projet d’élever un palais dans lequel il y aurait des salles d’assemblée et d’audience pour cette magistrature, en chargèrent Francesco della Luna ; celui-ci commença la construction et la sortit de terre de dix brasses de hauteur ; mais il avait commis de nombreuses erreurs. La direction en fut alors confiée à Filippo, qui donna au palais la belle forme qu’il a actuellement. Il eut, pendant ce travail, de nombreuses compétitions avec Francesco qui avait la faveur de quantité de gens. D’ailleurs, Filippo, pendant toute sa vie, eut à lutter tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre ; il y eut force gens qui lui suscitèrent ainsi des ennuis, et qui, souvent, se firent valoir en lui prenant de ses dessins, en sorte qu’à la fin il se décida à ne plus rien montrer et à ne se fier à personne. La salle de ce palais ne sert plus actuellement aux capitaines du Parti, car, l’inondation de 1557 ayant
- ↑ En 1431 et en 1486.