tume de dire qu’il remerciait la fortune qui lui donnait à faire la construction qu’il avait longtemps désirée, et qui l’avait fait rencontrer un homme voulant et pouvant la faire élever. Mais, quand il apprit la résolution de Cosme, il déchira son dessin en mille morceaux. Cosme se repentit bien de ne pas avoir suivi le plan de Filippo, après qu’il eut fait contruire son autre palais[1], et il répétait fréquemment n’avoir jamais parlé à un homme de plus de génie et de plus d’intelligence que Filippo.
Pour la noble famille degli Scolari, il fit ensuite le modèle du singulier temple degli Angeli qui resta inachevé[2], comme nous le voyons actuellement, parce que les Florentins appliquèrent l’argent destiné à cet édifice à d’autres besoins de la ville. Il construisit pour Messer Luca Pitti, hors de la porte San Niccolo, dans un endroit appelé Ruciano, un riche palais qui est loin d’égaler, en grandeur et en magnificence, celui qu’il commença à Florence[3], pour le même citoyen, et qu’il conduisit jusqu’au premier étage ; on n’a pas encore vu d’œuvre toscane aussi belle. Les portes, qui sont doubles, ont seize brasses de hauteur et huit de largeur ; les fenêtres du premier et du second étage sont entièrement semblables aux portes, les voûtes sont doubles, en un mot tout l’édifice est tel qu’on ne saurait imaginer une plus belle et plus splendide architecture. La construction de ce palais fut confiée aux soins de Luca Fancelli, architecte florentin, qui présida également à l’exécution de plusieurs autres travaux de Filippo. Il y a peu d’années, la signora Leonora de Tolède, duchesse de Florence, acheta, sur le conseil de son mari, le duc Cosme, le palais Pitti, dont elle se plut à augmenter tellement les dépendances qu’il possède aujourd’hui un énorme jardin qui s’étend sur la plaine, la côte et la montagne. Ce jardin est rempli d’arbres de toutes sortes et orné de bosquets agréables, de gazons toujours verts, d’eau, de fontaines, de canaux, de viviers, d’espaliers et d’une foule d’autres choses que je n’essaierai pas de décrire, car on ne peut se rendre compte de leur beauté qu’en les voyant. Messer Luca laissa ce palais inachevé, et, comme le modèle de Filippo n’a pas été retrouvé. Son Excellence en a demandé un autre à Bartolommeo Ammanati, sculpteur et architecte excellent, d’après lequel on continue la construction, et on a déjà fait une grande partie de la cour, d’ordre rustique, semblable à celui de la façade. En