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pays fut convoquée, au sujet de la coupole, par les fabriciens de Santa Maria del Fiore et par les Consuls de l’Art de la Laine. Brunelleschi y fut appelé et conseilla de dégager l’édifice du toit et de ne pas suivre le projet d’Arnolfo, mais d’élever un tambour de quinze brasses de haut, percé, au milieu de chaque face, d’une large lunette, autant pour soulager les reins des arcs que pour faciliter la construction de la future coupole. Il en fit, de plus, des modèles qu’on mit immédiatement à exécution[1].

Comme sa santé était complètement rétablie, un matin qu’il se trouvait avec Donato et d’autres artistes, sur la place du Dôme et que la conversation roulait sur les sculptures antiques. Donato raconta que, revenant de Rome, il avait passé par Orviéto, pour voir la célèbre façade de marbre du Dôme[2] et qu’en traversant la ville de Cortona, il était entré dans l’église paroissiale et avait vu un sarcophage antique[3], orné d’un bas-relief de la plus grande beauté, chose rare à cette époque où l’on n’avait pas encore déterré tous ces chefs-d’œuvre que nous possédons aujourd’hui. Filippo, en entendant Donato vanter la perfection de ce morceau, ne put résister au désir de le connaître. Vêtu comme il l’était, en manteau, avec son chaperon et ses sandales, il partit à pied, sans dire où il allait et se laissa emporter à Cortona par son amour de l’art. Ayant vu le bas-relief et l’ayant dessiné à la plume, il revint à Florence, avant que Donato, ni aucun autre se fût aperçu de son départ, car on pensait qu’il devait être en train de dessiner ou d’inventer quelque chose, et à la vue du dessin, Donato ne put s’empêcher d’admirer le violent amour que Filippo portait à l’art.

Il employa ensuite plusieurs mois à fabriquer secrètement des modèles et des appareils qu’il jugeait nécessaires à l’entreprise de la coupole, et prenait part, néanmoins, aux amusements des autres artistes. C’est alors qu’il fit la farce dite Burla del Graso e di Matteo[4], et il allait fréquemment, pour se distraire, aider Lorenzo Ghiberti à réparer les portes du Baptistère. Mais, apprenant un jour qu’il était question de réunir de nouveau des ingénieurs pour étudier la construction de la coupole, il repartit pour Rome, pensant que l’on aurait plus recours à lui absent, et avec plus d’intances, que s’il restait à Florence. À peine était-il arrivé à Rome qu’on se rappela la sûreté de

  1. Donatello et Nanni d’Antonio di Banco travaillèrent à ces modèles.
  2. Il y travailla également (document de 1423).
  3. Existe encore ; en place. Le bas-relief représente un combat de Centaures et de Lapithes.
  4. Restituée à Antonio Manetti.