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encore que, lorsque les sculpteurs tirent tout au plus deux ou trois figures d’un seul marbre, eux, au contraire, en représentent plusieurs sur un seul tableau avec toute la variété des points de vue qu’au dire des sculpteurs offre seule une statue, et en compensent, avec les différentes positions, les attitudes et les raccourcis, tout ce que l’on peut voir en tournant autour d’une statue. C’est ce que fit Giorgione da Castelfranco dans une peinture où une figure, tournant le dos au spectateur et ayant un miroir à chacun de ses côtés, ainsi qu’une fontaine à ses pieds, montre dans le plan du tableau, sa partie postérieure, celle de devant dans la fontaine et les côtés dans les miroirs, chose que n’a jamais pu faire la sculpture. Les peintres affirment, en outre, que la peinture ne laisse aucun élément qui ne soit orné et plein de toutes les beautés que la nature met à leur disposition, donnant à l’air aussi bien la lumière que les ténèbres, avec toutes les variétés et les impressions, et en le remplissant de toutes les espèces d’oiseaux ; à l’eau, la transparence, les poissons, les mousses, l’écume, les mouvements des ondes ; ainsi que les vaisseaux et ses agitations ; à la terre, les montagnes, les plaines, les plantes, les fruits, les fleurs, les animaux, les édifices et cette multitude de choses, avec la variété de leurs formes et de leurs vraies couleurs, au point que la nature elle-même quelquefois s’en étonne ; donnant finalement au feu tant de chaleur et d’éclat qu’on voit manifestement brûler les choses, et que ses flammes tremblotantes rendent en parties lumineuses les plus obscures ténèbres de la nuit. Ils croient donc pouvoir justement conclure qu’en comparant les difficultés de la sculpture et de la peinture, les fatigues du corps et celles de l’esprit, l’imitation de la forme seule et celle de l’apparence en quantité et en qualité, le petit nombre des objets par lesquels la sculpture peut montrer son excellence et le nombre infini de ceux que la peinture représente, l’impression parfaite qu’en reçoit l’esprit et l’invention qui peut dépasser l’œuvre de la nature même, la noblesse de la sculpture, quant à l’esprit, à l’invention et au jugement de ses artistes ne correspond de longtemps pas à celle que possède et que mérite la peinture. Tels sont les arguments que j’ai entendu invoquer des deux côtés, et que j’ai cru devoir prendre en considération.

IV. — Quant à moi, je trouve que les sculpteurs ont parlé avec trop d’assurance, et les peintres avec trop de mépris. Comme j’ai longtemps étudié les choses de la sculpture, et que j’ai toujours pratiqué la peinture, quel que soit d’ailleurs le peu de fruit que j’en ai retiré, je crois devoir, ayant entrepris cet ouvrage, dire, brièvement et franchement, ce que je pense de cette discussion ; on attribuera à