teurs, irrémédiables à moins d’y mettre des pièces comme font les pauvres gens à leurs vêtements, les peintres disent que la sculpture et la peinture peuvent donner toutes deux occasion de fauter aux pauvres de jugement et d’esprit ; qu’en sculpture la patience et un temps convenable, plus l’emploi des modèles, des gabarits, des équerres, des compas et de mille autres procédés et instruments à reporter, permettent aux sculpteurs, non seulement de ne pas commettre d’erreurs mais encore d’amener leurs œuvres à leur entière perfection. Ils concluent que cette difficulté que leurs adversaires mettent en avant n’est rien ou peu de chose, comparativement à celle que les peintres rencontrent dans le travail de la fresque ; que ladite perfection de jugement n’est pas moins nécessaire aux peintres qu’aux sculpteurs, car il suffit à ces derniers de bien faire leurs modèles en cire, en terre, ou dans une autre matière, de même qu’à eux doivent suffire leurs dessins et leurs cartons ; enfin que la partie de la sculpture qui réduit peu à peu les modèles en marbre est plutôt de la patience qu’autre chose. Quant à ce que les sculpteurs appellent jugement, n’est-ce pas plus nécessaire à celui qui peint à fresque qu’au sculpteur qui taille le marbre ? Dans la fresque, ni le temps ni la patience n’entrent en ligne de compte, pour être tous deux ennemis de l’union de l’enduit et des couleurs. L’œil, en outre, ne voit pas les couleurs vraies tant que l’enduit n’est pas bien sec, la main ne peut se baser que sur l’humidité ou la sécheresse du mur, en sorte que celui qui a dit que peindre à fresque c’était travailler dans l’obscurité et avec des lunettes de couleurs différentes de la vérité ne s’est pas trompé de beaucoup, à mon avis. Je ne crois pas que ce propos ne s’applique mieux qu’au travail en creux, dans lequel la cire sert de lunettes, mais justes et bonnes. C’est dans ce travail qu’il est nécessaire d’avoir un jugement résolu pour prévoir le résultat, tant que la matière est molle, et quel il sera une fois cette matière sèche. Dans la fresque, on ne peut abandonner le travail tant que l’enduit est frais, et il faut hardiment faire en un jour ce que le sculpteur fait en un mois. Qui n’a pas ce jugement et cette habileté, verra, à la fin de son travail ou avec le temps, les repentirs, les taches, les couleurs superposées ou retouchées à sec, chose méprisable, parce que surviennent ensuite les moisissures qui font connaître l’inexpérience ou le peu de savoir de l’exécutant, comme font mauvais effet les pièces rapportées à une sculplure. Ajoutons que lorsqu’il arrive qu’on lave des fresques pour les raviver, comme on le fait fréquemment depuis quelque temps, ce qui est peint à fresque subsiste, et ce qui a été retouché à sec s’en va au coup d’éponge. Les peintres disent
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