durent trouver leur voie d’eux-mêmes, et tout début, si petit qu’il soit, est digne d’être grandement loué.
La peinture ne suivit pas une meilleure carrière dans ces temps-là, sinon qu’étant d’un usage plus courant, à cause de la dévotion des peuples, elle fut exercée par plus d’artistes, et par cela même elle fit évidemment plus de progrès [que les deux autres arts. C’est ainsi que l’on voit que la manière grecque disparut complètement d’abord avec Cimabue qui y renonça, et ensuite avec Giotto qui le suivit, et il naquit une nouvelle manière que j’appellerai volontiers la manière de Giotto, parce qu’elle fut trouvée par lui et par ses disciples, et qu’ensuite elle fut révérée de tous et universellement imitée. Dans cette manière, on voit qu’on a renoncé au profil qui circonscrivait entièrement les figures, ainsi qu’à ces yeux de possédés, à ces figures debout sur la pointe des pieds, et étendant des mains effilées, avec suppression des ombres ; il en est de même d’autres monstruosités de ces maîtres grecs, qu’on a remplacées par une grande grâce dans les têtes et un grand moelleux dans le coloris. Giotto, en particulier, donna de meilleures attitudes à ses figures, montra une certaine tendance à donner de la vie à ses têtes, disposa les plis des draperies d’une manière plus conforme à la nature que ce que l’on voyait avant lui, et découvrit quelque peu le fuyant et les raccourcis des figures. En outre, il commença à rendre les mouvements de l’àme, en sorte que l’on put reconnaître, en partie, la crainte, l’espérance, la colère et l’amour ; il rendit moelleuse sa manière qui était primitivement rude et raboteuse. S’il ne fit pas les yeux avec ce beau roulement qu’ils ont dans le vivant, s’il ne sut pas les peindre noyés de larmes, si, de plus, il n’arriva pas à rendre la souplesse des cheveux et des barbes, l’exacte conformation des mains avec leurs muscles et leurs nodosités, et le corps humain nu, ainsi qu’il est en réalité, il faut mettre ce défaut sur le compte des difficultés de l’art, et de ce qu’il n’avait pas vu de peintres meilleurs que lui. Que tout homme au contraire apprécie, étant donné la détresse des arts et des temps, la bonté du jugement dont il fit preuve dans ses peintures, l’exacte observation des têtes, enfin beaucoup de naturel et de facilité. On voit, en effet, que ses figures correspondent au but qu’elles ont à remplir, ce qui montre qu’il eut un jugement très grand, s’il ne fut pas parfait. On en voit autant dans les autres peintres de l’école, par exemple dans Taddeo Gaddi ; quant au coloris, il est plus doux tout en ayant plus de force, les carnations sont mieux rendues, les draperies mieux peintes, et les mouvements des figures mieux accusés. Dans Simone de Sienne, on remarque le talent de la composition dans