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De mille & mille traits il m’entrouvre le flanc,
Il se baigne cruel dedans mon tiede sang,
Il me suit en tous lieux amoindrissant ma force :
Jamais je ne le voy apparent à mes yeux,
Mais helas je le sens dedans moy furieux,
Et mon corps ne lui sert que d’une vaine écorce.

Tel fut de ce tyran la ligne, & l'ameçon,
Le feu, le las, le trait, la glus & la chanson,
Qu'or je me pais de dueil, je brusle, & suis en glace :
Douteux, & asseuré, esperant, sans espoir,
N'aymant rien que sa veue, & craignant de la voir,
Donc l'un fait que je vy, l'autre que je trespasse.


Lors que le premier trait qui me feit amoureux,
Entama mes poulmons je m'estimay hereux,
Esguillonnant plus fort ma jeunesse insconstante :
Mais helas maintenant k'erre seul furieux,
Et maudissant le sort qui me rend mal-heureux,
Avec les sourds rochers mon erreur je lamente.

Je bruslay quelque temps en une douce ardeur,
Honorant le brandon qui m'enflamoit le cueur,
Sans penser & sans peur d'autres futures peines :
Mais (ô sort inhumain) dont je pallis d'horreur,
J'adorois mal-heureux l'object de mon mal-heur,
Et versois l'huille au feu qui embrase mes veines.

Je cerne ces forests de maints & maints circuits,
J’imprime mille pas sur ces sablons recuicts,