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Donnez moy double force à former mes accens,
Et saisis de pitié plaignez vous de mes peines.

Si vous eustes jamais l'estomac allumé,
Du feu qui me rend or transi & consommé,
Nymphes qui sejournez le long de ces rivages :
Jugez, helas, jugez entendant ma clameur,
Qu'elle est la passion dont renaist ma douleur,
Et combien nuict & jour amour me fait d'outrages.

Quel plus infortuné que moy marche icy bas,
Si à chacun moment j'appelle mon trespas,
Vaincu & desarmé & de raison & d'armes ?
Quel cueur s'embrasa onc d'un feu plus dévorant,
Et quel martyr reduit à un plus grief tourment,
Que moy qui meurs au feu tout degouttant de larmes ?

Les Dieux justes vengeurs du meschef des humains,
Me font trop resentir la figueur de leurs mains,
Un importun remors me sert de penitence :
Un tardif repentir est mon joug onereux,
Et mon seul reconfort est qu'il meurt bien heureux,
Qui d'une honeste mort peut laver son offence.

Amour sous un plaisir m’a tramé mille maux,
Il ma rendu captif, comme les animaux,,
Au joug d’un desespoir : le desespoir me donne
La fureur, le regret, le despit, le courroux,
La paleur, & la peur, qui me conduisent tous,
Sous le pouvoir fatal de la Parque felonne.