Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LXXXVI.



Si je vy par la mort, si je meurs par la vie,
Si je transis au feu, si je brusle dans l’eau,
Si j’appelle un chantant l’implacable tombeau,
Mon ame est elle pas d’estranges maux suivie.

Si je vy bien content, & si je meurs d’envie,
Si je crois qu’un Aspic soit gracieux & beau,
Si au pied d’un rocher je cherche son coupeau,
Suis-je pas possedé d’une estrange manie.

Helas ditte moy donc, ditte cher BELLE-FLEUR,
Lequel me siet le mieux ou la joie ou le pleur :
Dittes, en ce danger quel onguent m’est propice.

Si je la veux charmer je me charme les sens,
Je pers en vain le temps haletant mes accens,
Ainsi que feit Orphee apres son Euridice.


LXXXVII.



Si des celestes yeux de ma belle inhumaine,
Sort le feu qui me brusle, & le neud qui me lie?
Faut-il donc (ô destin) qu'humble je m'humilie,
D'adorer les archers qui descochent ma peine?

Et si par eux mon ame est de la mort prochaine,
Pourquoy ne fuy-je au moins les haineurs de ma vie?
Qui retient ma raison tellement asservie,
Qu'elle ne rompt la chaisne & hors du feu m'emmeine?

Mais si je me bannis de leur cuisante flame,
Et qu'un ardant desir esguillonne mon ame,
De revoir ma mort peinte aux rais de leur splendeur?

Lon ne me peut nommer cause de mon martire,
Ainsi Amour seul qui veut que tel fruict on retire,
Apres mille labeurs) d'une si belle fleur.