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LXXX.



J'appellay mes esprits qui encor par le vuide,
Contemploient my-beans ce grand globe vouté :
Et tel qu'un beau poulin vagabont, indompté,
Je refoulay les fleurs de mon rivage humide.

N'imitant toutefois le soldat Peleïde,
Qui pour venger Atride, & ravir la beauté
Qui Coresbe insensa : de rage surmonté,
Traina mille vaisseaux sur la plaine liquide.

Ains d'un pas mesuré, & d'un grave sourcy,
Franc d'amour, franc de peur, de peine, & de soucy,
J'entray dans le palais ou logeoit ma maistresse :

Mais si tost que je vey ce miracle des Cieux,
Ce Soleil renaissant de l'esclair de ses yeux,
Humble je l'adoray pour celeste Deesse.


LXXXI.



Elle marche à pas lents pour de moy s'approcher
Et en me saluant d'une façon honneste,
Veit bien que j'estois fait sa prochaine conqueste,
Et que desja mon corps devenoit un rocher.

De son double arc vouté se meit à descocher
Mille foudroyans traitz : & pompeuse s'appreste,
A fouler brusquement d'un pied vainqueur ma teste :
Et de mon jeune front la franchise arracher.

Puis l'archerot vainqueur artisan de mes peines,
Se glissa dans mon œil, & de l'œil dans mes veines,
Et au mileiu du cueur me ficha son brandon :

Alors tout bouillonnant & transporté de rage,
Je cuiday, recerchant de venger cest outrage,
Me poignarder le sein pour tuer Cupidon.