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LXVI.



Vous rochers caverneux, & vous fleuves tortus,
Vous odorantes fleurs l'ornement du rivage,
Vous petis oiselets qui d'un divers plumage
Estes bigarrement par nature vestus,

Venez venez vers moy : venez coutaux bossus,
Venez frais arbrisseaux couvers d'un beau fueillage,
Venez ore conter d'un fremissant langaige,
Les mal-heurs dont mes sens sans cesse sont battus.

Amenez avec vous la triste Phillomene,
Rechantez sous mon nom la mort du fils d'Alcmene,
Comparez mes travaux à ses douze labeurs.

Mais las n'oubliez pas sa chemise enflamee,
Seulle comparraison de la flame allumee,
Qui me va prolongeant mes cuisantes douleurs.


LXVII.


Passans, ne cerchez plus dessous l’Orque infernale,
D’Ixion, de Sisiphe, & des Bellides sœurs
Comme aux siecles passez les travaux punisseurs,
Ny l’importune soif du mal-heureux Tantale.
 
Ny cerchez plus le feu du serviteur d’Omphale,
Ny du fils d’Agenor les oiseaux ravisseurs,
Le fuseau, le travail, les ciseaux meurtrisseurs,
Ny l’effroyable horreur de la trouppe fatale.
 
Car sans tenter Junon, sans tuer, sans voller,
Je tourne, monte, emplis, roue, cuve, rocher :
Et sans tromper les Dieux ou leurs secrets redire,
 
La soif me cuit dans l’eau & ne puis l’estancher,
Mille fascheux Daimons me ravissent ma chair,
Et bref dans moy Pluton s’est fait une autre Empire.