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LII.



La saincte affection qui embraze noz ames,
D'un si parfait amour qu'il n'a point de pareil
Nous fait luire sur tous ainsi qu'un beau Soleil,
Sur le divin trouppeau des immortelles flames.

Depuis que les destins par leurs fatalles trames,
Ont eslongné mes yeux de leur pole vermeil :
Plus grief leur est le jour & plus grief le sommeil,
Qu'agreable aux forceats l'absence de leurs rames.

Toutefois vous avez moins d'amitié que moy,
Le Soleil qui luit seul a plus de force en soy,
Que sa sœur qui se rend aux estoilles commune :

Je n'ayme rien que vous, cous estes ma moitié,
Mais vous ne m'aymez seul, ainsi pour l'amitié,
Je seray le Soleil & vous serez la Lune.


LIII.



Lors qu'amour contre moy ne s'armoit furieux,
Traittant mon triste cueur d'une plus douce sorte :
Ceste exquise beauté qui tout le don heur porte,
Paissoit de doux pensers mes esprits ocieux.

Mais un cruel destin de mon aise envieux,
M'eslongnant a rendu mon esperance morte :
Je ne sçay quelle mane ore me reconforte,
Et quel sera le but de mon mal soucieux,

O depart importun qui m'a chaleur englace,
Et qui fait qu'un chacun voit la mort sur ma face,
Pensez vous me tuant ensevelir mon dueil ?

Non non car la liqueur qui seulle peut de l'ame,
M'estaindre ou alenter ceste amoureuse flame :
Le Ciel l'a mise en elle, & non pas au cercueil.