Page:Les oeuvres poétiques de Clovis Hesteau de Nuysement 1578.pdf/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XXXIIII.



Heureuse est la victoire & trois fois bien-heureuse,
Ou le vaincu qu'on traine adore le vainqueur :
Et sans que le desastre ait amoindry son cueur,
Lonstre au fort de sa honte une ame genereuse.

Mais une autre seconde est trop plus glorieuse,
Ou vaincu du vainqueur ont sçait vaincre l'ardeur :
Puis de vaincre soy-mesme, & domptant son erreur,
Asservir à son vueil la main victorieuse.

Cleopatre vainquit quand le fil de l'espece
Sur la tombe entama sa poictrine frappee,
Guidé du bras meurtrier alencontre haussé.

J'ayme donc mieux mourir emportant la victoire,
Qu'au defaut de la mort voir trespasser ma gloire :
Car jamais d'un haut cueur le rempart n'est faussé.


XXXV.



Avoir d’un bref repos une eternelle peine,
D’un peu de seureté une mer de soupçon,
D’un debat asseuré feinte dilection,
L’ame vuide de foy & d’impieté pleine.

Sous un ris blandissant masquer l’ardante haine,
Couver sous la douceur une presomption,
Deguiser son tourment par une fiction,
Et sous un faux object une douleur certaine.

Au feu d’un desespoir ralumer son desir,
Voir en la fraude close un ouvert desplaisir,
Rire une heure le jour pleurer toute une annee.

Et d’un antiqu’penser faire un conte nouveau :
C’est pour vous mon Soleil, ce que la destinee
Engrave nuict & jour dans mon triste cerveau.