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la première moitié du xixe siècle

populaires, étrangers, qui, ajoutant à la phrase du pittoresque et de la précision, renforcent la sensation. Il a assoupli prodigieusement le vers, varié les rythmes, donné à la langue poétique toutes les possibilités d’un orchestre complet. Il domine enfin tout ce dix-neuvième siècle, le plus puissant, le plus fécond, le plus brillant de tous les siècles.

Alfred de Vigny

À côté de la gloire éblouissante de Victor Hugo, celle d’Alfred de Vigny (1797-1863), poète plus penseur mais plus sombre, plus triste, plus sobre et plus hautain, rayonne d’un éclat moins vif. Mais Vigny est un très grand poète. Plus farouche que les autres romantiques, il répugne un peu à se mettre lui-même en scène, et réfrène sans cesse sa sensibilité. Il veut exprimer des idées et il réussit presque toujours à exprimer des pensées fortes et profondes. Ses poèmes, qu’il éparpilla, ne parurent réunis qu’après sa mort : les Destinées (1863). Des pièces comme Moïse, la Mort du Loup, la Maison du Berger ont une grande beauté triste et poignante et sont écrits dans une langue vigoureuse et serrée. Le vers, moins souple que chez Hugo, y est parfois plus plein, plus resserré, d’une harmonie plus âpre mais non moins émouvante. Vigny est plus artiste que ses contemporains.

Il avait adopté la carrière des armes. Il l’abandonna à 31 ans. Il fit jouer un drame, Chatterton (1835), et publia deux très beaux romans, Cinq Mars (1826), avec quoi on peut dire qu’il créait le roman historique,