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la première moitié du xixe siècle


Lamartine

Mais ce mouvement vers le sentiment et vers la foi, cet antirationalisme trouvent surtout leur expression dans la poésie lyrique. Cette première moitié du xixe siècle est, par excellence, l’époque des grands poètes. De même que le monde hésite encore à donner la première place à Corneille ou à Racine au xviie siècle, il hésita longtemps à proclamer quel est le plus grand des trois génies qui illustrèrent avec un éclat si vif le xixe : Lamartine, Hugo, Musset.

Le premier en date, Alphonse de Lamartine (1790-1869), était né à Mâcon d’une très ancienne famille. Il vécut pendant sa jeunesse une existence heureuse de gentilhomme campagnard. Un grand amour bientôt brisé par la mort de la jeune femme qui en était l’objet fit de lui, d’un coup, un immense poète. Il publia en 1820 les Méditations qui exprimaient évidemment à un étonnant degré l’âme des jeunes gens de cette époque, car le succès en fut immédiat et prodigieux. C’est le romantisme dans sa pureté première. Le poète y fait preuve d’une sensibilité très grande à laquelle il s’abandonne complètement, sans demander à sa raison d’y tracer jamais de frontières. Ces Méditations ne sont rien moins que la recherche laborieuse d’une vérité, mais les divagations pleines de charmes d’un esprit qui se laisse flotter, balancer au gré de ses rêves, d’autant plus épris d’eux que leur forme est plus vague. Les mots abondent comme une eau et coulent presque indéfiniment, berçant l’âme comme une nacelle,