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la première moitié du xixe siècle

sent à admettre l’existence d’un bon goût révélé. Rousseau leur a montré l’importance du moi : ils exigent maintenant pour l’individu la liberté de n’exprimer que ce qu’il sent, c’est-à-dire de s’exprimer lui-même. Pour dégager le moi de toute contrainte extérieure, ils rompront brutalement en visière avec les traditions de la culture antique. Peu à peu s’infiltre le goût des littératures étrangères. Mme de Staël proclame qu’« il faut avoir l’esprit européen ». Et Shakespeare, Young, Ossian, Alfieri, Schiller, Gœthe entrent en France. À la vérité ils n’ont pas sur l’esprit français toute l’influence qu’on a dit. La France, mise en présence des autres littératures, cherchera surtout à tirer d’elle-même, pour le leur opposer, quelque chose de national, ce qui n’est qu’une façon plus large de comprendre l’individualisme. La France sentira d’autant mieux son originalité qu’elle aura pu se comparer avec des esprits différents du sien, et cette originalité trouvée, elle la développera.

Le romantisme est l’ensemble de toutes ces tendances, vers l’originalité, vers la liberté, vers l’individualisme. Original, il l’est par son goût du pittoresque, du brillant, du coloré ; libre, par son évasion hors des lois, par l’extension presque indéfinie qu’il donne au vocabulaire, par la souplesse qu’il introduit dans le vers alexandrin ; individuel enfin par le besoin impérieux qu’il a de donner toujours une forme personnelle aux sentiments généraux.