Diderot, avec aussi moins de libertinage, Rousseau a ramené la passion dans la littérature française. L’amour le plus ardent, le plus tumultueux emplit la Nouvelle Héloïse, en même temps qu’un sentiment de la nature qui, depuis La Fontaine et Mme de Sévigné, s’était presque complètement perdu au milieu de la vie artificielle des salons. Cet aventurier qui a vécu longtemps à la campagne a besoin du paysage des Alpes, des lacs, des prairies, des forêts où l’on peut se sentir seul. Il écrit les Rêveries d’un promeneur solitaire (1781), et nous apprend dans ses Confessions qu’il ne peut pas travailler dans sa chambre, qu’il lui faut autour de lui la vie des arbres et le grand air, que tous ses livres ont été composés au rythme de sa marche, au cours de ses longues promenades.
Moins grossièrement sensible que Diderot, plus profondément peut-être, en tous cas d’une manière plus exquise, Rousseau ne peut pas se contenter de la petite phrase algébrique mise à la mode par ses prédécesseurs. Il reprend la tradition abandonnée depuis Bossuet, écrit par périodes nombreuses, largement aérées, sonores, souvent musicales, dont plus artiste encore que penseur, il s’ennivrait en travaillant. Son influence est peut-être la plus forte qui se soit jamais fait sentir. Ses idées ont amené la Révolution Française. Son style contient les germes de tout le Romantisme.
Malgré l’opposition de plus en plus vive du clan rationaliste et de l’Encyclopédie, Rousseau avait con-