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le xviie siècle

munier avec lui dans la peine et les tourments. Il est tout amour et tout indulgence. Il n’exalte point l’homme. Il ne cherche pas à l’élever au-dessus de lui-même. Il ne cherche qu’à le traduire, à nous tracer de lui une image exacte et savante, et à nous émouvoir nous-mêmes par sa ressemblance avec nous. « Je ne craindrai pas d’avancer que le sujet d’une belle tragédie doit n’être pas vraisemblable » avait écrit Corneille. Racine cherche avant tout le vraisemblable et le vrai.

Ainsi tout le soin de Racine tend vers la recherche de la vérité dans ses caractères. Son œuvre y gagne plus de mesure encore, plus de perfection classique. Elle y perd la vigueur colorée, les grands élans, l’éclat, la bravoure de Corneille. Son vers est moins brillant, moins fort, moins héroïque, moins sonore. Il est plus doux, plus calme, plus souple, plus tendre et plus voluptueux.

Racine a laissé encore une comédie, les Plaideurs (1668), qui étonne par la souplesse déconcertante de son vers, la verve endiablée de son style et par un sens délicat de la caricature qui fait que le comique n’y est jamais amer, l’auteur gardant toujours une sympathie pour ses personnages. Les Plaideurs prouvent d’une manière étincelante à quel point était divers ce génie de Racine qui n’est enserré dans des formes rigoureuses que parce qu’il se les était imposées.

On peut dire de Racine qu’il est tout le classicisme.