Page:Les oeuvres de la pensee francaise Volume I.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
les origines

comme des œuvres d’histoire. Mais le merveilleux que les jongleurs y mélangeaient empiétant de plus en plus sur la réalité des faits, et ces chroniques prenant de plus en plus le caractère de légendes, le sens critique des auditeurs se développa : ils refusèrent aux poètes la qualité d’historiens. Le jour où on ne crut plus aux exploits de Roland, l’histoire se détacha de la poésie. On composa des chroniques en prose qui, écrites pour être lues et non récitées, opposèrent leur exactitude à la fantaisie des poètes. Et pour la première fois avec ces chroniques, on vit l’individualité de l’auteur transparaître clairement sous les textes.

Villehardouin (1164-1213) écrit avec exactitude la Conquête de Constantinople à laquelle il a assisté. C’est un diplomate qui s’attarde surtout aux détails et aux petits faits psychologiques. Il est plus intelligent qu’artiste et explique plus qu’il ne montre.

Joinville (1224-1319), tout au contraire, voit plus qu’il n’analyse. Il raconte avec sincérité, ingénuité même, l’histoire de saint-Louis, dont il a été le conseiller et le compagnon. C’est une vie de saint écrite dans une langue saine, fleurie, pittoresque, délicieusement imagée.

La littérature bourgeoise

Les chansons de geste s’adressaient presque uniquement à la société féodale. La bourgeoisie réclamait une littérature appropriée à ses mœurs, à ses goûts, à sa mentalité. Les fabliaux vinrent la satisfaire. Ce sont des récits réalistes où les œuvres du temps sont peintes