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Les indigènes, dira-t-on, pourraient protester ? Mais où ? Est-ce qu’ils ont la moindre notion de notre hiérarchie administrative ? Est-ce qu’ils savent où se trouve le chef dire et de celui qui administre ? Ils ne le peuvent matériellement en raison même des distances ; et du reste s’ils s’avisaient de réclamer, seraient-ils seulement sûrs d’être écoutés ?

Alors, commence la série des abus d’autorité. C’est une jolie femme qu’on voit un jour, par hasard : on ne s’enquiert pas de savoir si elle est mariée ou si elle est jeune fille, on pense : cela ferait bien mon affaire. On dit au commissaire de police : « Tu vois cette femme tu vas aller me la chercher »… Je vous demande pardon, Mesdames, de m’exprimer si nettement mais je parle en médecin qui dit crûment les choses, comme elles sont, c’est-à-dire pas belles.

Lié par le secret médical, je ne puis ni ne veux faire de personnalités, mais je me suis cependant attaché à donner dans l’article que publié, des exemples vrais quoique invraisemblables des perversions mentales que j’ai pu voir, sans désigner les individus, ni les lieux. J’ai vu entre autres un officier européen qui avait dressé une liste de 40 femmes indigènes habitant dans le cercle qu’il commandait et tous les soirs le commissaire de police devait aller en chercher une pour le ravitailler. (Mouvement). Et ceci n’est rien auprès de ce que je pourrais citer. Il y a donc des abus extraordinaires. Un autre exemple entre mille : — On vous disait tout à l’heure que les femmes de Samory avaient été distribuées, après la capture, aux soldats indigènes. Ce ne fut pas seulement aux indigènes. J’ai vu un de mes camarades qui en convoyait sept à sa suite, qui constituaient sa part de prise de guerre.

À l’absence de contrôle et à l’isolement où ils se trouvent dans leurs postes, il faut ajouter une calamité nouvelle, qui s’abat sur les Européens : c’est l’alcoolisme qui sévit déjà en petit, dans les ports de guerre français, mais qui sévit en grand aux colonies. Elle nait de l’oisiveté jointe à l’intempérance ; à mesure que l’Européen se livre à l’alcool, il subit toutes les perversions mentales qu’entraine ce poison. Il faut encore ajouter l’influence déprimante des privations alimentaires ; on n’a pas toujours là-bas ce qu’il