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hommes sont le jouet de trop de passions et de trop d’attirances. Nous, les médecins, nous savons combien la moralité humaine est soumise à des fluctuations et à des chutes. Tout intervient, dans la Société, pour y contribuer : la scène que vous voyez au théâtre, l’affiche sensationnelle apposée sur les murs et devant laquelle vous stationnez vous incitent à la haine ou à la débauche, quelque moral, quelque foncièrement honnête que vous soyez ; ce sont des incitations analogues qui, exagérées par l’ennui, l’éloignement, l’isolement, la maladie, le découragement, etc., créent un état d’esprit spécial aux coloniaux. Je vais vous énumérer quelques-unes de ces causes pour que vous compreniez par quelle succession de chutes passent les coloniaux pour que, d’individus normaux, ils arrivent à être des criminels et ceci dans une proportion effrayante que je vous indiquerai tout à l’heure.

La première de ces causes, dont vous êtes responsables, vous qui m’écoutez, comme tout le peuple français, c’est l’indifférence que la France, la population, la presse françaises ont montrée pendant vingt-cinq ans pour les choses coloniales. Il n’y a pas de rubriques coloniales dans les journaux, c’est à peine si, de temps à autre, on voit dans les journaux un communiqué officiel parlant des choses qui se passent aux colonies. Nous possédons un empire colonial de 10 millions de kilomètres carrés, c’est à-dire vingt fois la superficie de la France et, cependant, dans nos journaux on lit les horribles détails de l’assassinat d’une concierge ou de la bataille rangée de tels ou tels apaches (Rires)… mais personne ne tient à savoir quels sont les actes de nos gouverneurs à Madagascar ou en Afrique occidentale. Et alors les coloniaux, isolés par votre indifférence, se disent : « Puisqu’on ne s’occupe pas de nous en France, agissons à notre guise ». C’est humain.

La deuxième cause, c’est le mauvais recrutement colonial. Jusqu’à il y a 10 ou 12 ans, pas d’avantage, qui allait aux colonies ? C’étaient des exaltés, qui, ayant l’esprit plein des récits de Fenimore Cooper, voulaient aller chasser dans les prairies, ou bien encore, c’étaient des explorateurs comme Savorgnan