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vû pluſieurs Tyrans inventer des calomnies, pour avoir quelque prétexte de dépouiller ceux qui n’étoient coupables que parce qu’ils poſſédoient de grandes richeſſes, où dont la vertu étoit un reproche tacite de leurs déſordres. Ces injures ſe renouvellent encore tous les jours, chacun ſe prévaut de ſon rang, de ſon état, de ſon credit, de ſon autorité, pour exiger de ſes inferieurs des ſoumiſſions, & des devoirs contre le droit & l’équité. Pour peu qu’on ſe mette en dévoir de leur réſiſter, leur colere s’allume, & ils en viennent ſouvent à des grands éclats. Ils ſuſcitent des procès injuſtes, ils aportent de faux témoins, pour opprimer l’innocence par leurs cabales. On invente des crimes ſuppoſés, comme fit le Loup, qui ne trouvant point de bonnes raiſons à apporter à celles que l’Agneau lui alléguoit, lui voulut faire un crime imaginaire de la haine invétérée, que le pere & la mère de l’Agneau portoient au Loup.

Le bien du foible au riche offre une douce amorce,
Il trouve, pour l’avoir, cent détours differens.
La juſtice eſt pour toi ; mais tu manques de force,
Et les petits poiſſons ſont mangés par les grands.

FABLE III.

Du Rat, & de la Grenouille.

Dans le tems que la guerre étoit allumée entre les Grenouilles & les Rats, une Grenouille fit un Rat priſonnier, lui promit de le traiter favorablement. Elle le chargea ſur ſon dos pour