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ſous de lui, et que l’eau ne pouvoit remonter vers ſa ſource. Le Loup redoublant ſa rage dit à l’Agneau, qu’il y avoit plus de ſix mois qu’il tenoit de lui de mauvais diſcours. Je n’étois pas encore né, répliqua l’Agneau. Il faut donc, repartit le Loup, que ce ſoit ton pere ou ta mere, & ſans apporter d’autres raiſons, il ſe jetta ſur l’Agneau & le dévora ; pour le punir, diſoit-il, de la mauvaiſe volonté & de la haine de ſes parens.


SENS MORAL.

Ceux qui ont la force en main ne manquent jamais de prétextes pour opprimer ceux qui dépendent de leur autorité, & qui ne peuvent ſe ſouſtraire à leur tyrannie. L’intention d’Eſope eſt de repreſenter par cette Fable l’oppreſſion que les petits ſouffrent ſous la tyrannie des Grands. C’eſt un mal aſſez ordinaire dans le monde. La plûpart des hommes ſe prévalent & abuſent de leur autorité, pour chagriner ceux qui dépendent d’eux ; c’eſt le malheur de la pauvreté, & de la ſujettion. Quelque injuſte que ſoit le procédé de ceux qui accablent les autres ſous le poids de leur tyrannie, ils ne laiſſent pas de chercher des prétextes ou des raiſons apparentes pour colorer leurs injuſtices ; à l’exemple du loup qui reprochoit fauſſement à l’Agneau d’avoir troublé ſon eau. C’eſt ainſi que les Grands ont toujours quelque choſe à reprocher à ceux qu’ils ont envie d’opprimer, quoiqu’ils n’ayent jamais manqué au reſpect qu’ils leur doivent, & qu’ils n’ayent bleſſé en rien leur autorité. On a