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ter pluſieurs petis cailloux, qui firent monter l’eau juſqu’au bord de la Cruche. Alors elle but tout à ſon aiſe.


SENS MORAL

On obtient par ſa ſageſſe & par ſa bonne conduite, ce que l’on n’auroit pu obtenir par la violence & par la force. La néceſſité fait trouver des inventions auſquelles on ne penſeroit jamais, ſi l’on ne ſe trouvoit pas dans ces conjonctures fâcheuſes. Ce que fit la Corneille en cette occaſion & ce que font encore à peu près de ſemblable pluſieurs animaux, a fait dire à quelques Philoſophes, que les bêtes raiſonnoient & qu’ils tiroient des conſéquences. Eſope les fait parler pour inſtruire les hommes & pour leur apprendre la morale & la véritable ſageſſe. Ce que l’on peut remarquer à l’avantage des animaux, c’eſt la merveilleuſe prévoyance qu’ils ont pour leur conſervation & pour tout ce qui regarde leur maniere de vie, ou pour perpétuer leur eſpece ; les ſoins qu’ils prennent de leurs petits, l’ardeur avec laquelle ils les défendent : mais on peut attribuer tout cela à l’inſtinct de leur nature, ſans qu’il ſoit néceſſaire qu’ils raiſonnent, ou qu’ils tirent des conſéquences. Les plantes germent dans la terre ; la digeſtion ſe fait dans notre eſtomac ; le chyle & le ſang ſe diſtribuent dans les veines, ſans que l’ame en ait aucune connoiſſance & ſans qu’elle puiſſe empêcher ; car tout cela ſe fait méchaniquement, & par la force des reſſorts & de la machine. Peut-être que ce qui a donné occaſion de penſer que les bêtes raiſonnoient, c’eſt que Pythagore ayant publié par toute l’Italie ſon ſentiment ſur la métempſycoſe, il ne fut pas difficile de