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lent s’élever au deſſus de leur état. Les Payſans tâchent d’imiter les Bourgeois ; les Bourgeois s’égalent aux Gentils-hommes, par leurs dépenſes. Cette confuſion cauſe de grands déſordres, & ſouvent la ruine des particuliers, qui ne conſultent pas aſſez leurs forces. Cette vérité nous eſt répréſentée dans la préſomption du Corbeau, qui crût pouvoir faire ce que l’Aigle avoit fait, mais cette folle entrepriſe lui couta la liberté. C’eſt ainſi que ces téméraires, qui enfantent des deſſeins chimériques dont ils ne peuvent venir à bout, s’expoſent à la riſée de tout le monde.

Sur l’exemple des Grands, qu’enfle la vanité,
Former de hauts projets, c’eſt manquer de ſageſſe ;
S’ils peuvent réuſſir par leur autorité ;
Tu tomberas par ta foibleſſe.


FABLE LXXI.

Du Renard & du Bouc.

Le Renard & le Bouc preſſés de la ſoif deſcenderent dans un puits ; après qu’ils ſe furent déſalterés, ils chercherent les moyens d’en ſortir. Le Renard ayant révé quelque tems, dit au Bouc qu’il avoit trouvé un bon moyen pour ſe tirer d’embarras l’un & l’autre. Il faut te dreſſer ſur les pieds de derriere, & appuyer les deux cornes de devant contre le mur ; je grimperai aiſement le long de ton dos ; & quand je ſerai hors du puits,