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comble. Un Roi fort ſage avoit raiſon de recommander en mourant à ſes enfans de demeurer toûjours bien unis, parce que c’étoit le moyen le plus ſûr de ſe maintenir contre leurs ennemis. Les Chiens, dont il eſt parlé en cette Fable, voyant que leur querelle étoit fatale au troupeau qu’on leur avoit confié, & que le Loup profitant de leur diſpute, s’étoit jetté deſſus & avoit pris cette occaſion pour enlever l’une des meilleurs Brebis, remirent à un autre tems à décider leur querelle particuliere, pour être plus en état de réſiſter à leur ennemi, & de l’obliger à lâcher ſa proye. Voilà ce que devroient faire les hommes, s’ils étoient ſages, quand ils ont des ennemis puiſſans ſur le bras. La prudence leur conſeille de ſuſpendre leurs animoſités particulieres, qui donnent occaſion à leurs ennemis de les ruiner. La prompte réconciliation des Chiens rompit toutes les meſures du Loup, qui fut non ſeulement obligé de rendre la Brebis qu’il avoit ravie, mais qui ſe vit encore très-maltraité par les Chiens qui penſerent le mettre en pieces.

Quoiqu’un courroux ſecret ſouvent nous ſollicite
Contre ceux avec qui nous devons vivre en Paix,
Conſervant l’union, on ne la rompt jamais.
Que quelque ennemi n’en profite.


FABLE LXX.

De l’Aigle & du Corbeau.

Une Aigle venant à fondre du haut des airs ſur un Mouton, l’enleva. Un Corbeau, qui le vit, crut en pouvoir faire