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ancien, & le plus ſage des Lièvres à ſes Compagnons, pour leur repréſenter qu’ils avoient tort de s’abandonner ſi légérement à la crainte, ſans examiner s’ils devoient fuir comme ils faiſoient avec tant de précipitation, quoiqu’ils ne fuſſent pourſuivis d’aucun ennemi, il leur dit encore, pour les conſoler dans leur infortune, qu’ils n’étoient pas les plus malheureux, ni les plus timides des animaux, puiſque les Grenouilles fuyoient devant eux, & qu’elles s’étoient précipitées dans leur Marais à l’approche des Lièvres. Cet exemple doit apprendre à ceux qui murmurent de leurs peines, qu’il y en a encore de plus infortunés, & que quelques maux que l’on endure, il y en a encore qui en ſouffrent de plus cruels. Ainſi en quelque état qu’on ſe trouve, on a plus de ſujet de s’applaudir que de murmurer, en comparant ſa condition avec celle des autres.

Que notre cœur eſt foible ! Il ne faut pour l’abbattre,
Que d’un foible revers ſentir les premiers coups,
Mille autres ont des maux plus fâcheux à combattre.
Regardons-les, ils ſont plus à plaindre que nous.


FABLE XXVI.

D’un Chevreau & d’un Loup.

Une Chevre ſortit de ſon Etable pour aller paître, recommandant très expreſſément à ſon Chevreau de n’ouvrir la porte à perſonne, durant ſon abſence. A peine étoit-elle ſortie, qu’un Loup vint