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à rien le plus ſouvent ; ou s’ils viennent à bout de leurs entrepriſes, ils ſe relâchent après l’exécution, & flétriſſent, par le déſordre de leur conduite, la gloire qu’ils avoient acquiſe par leurs belles actions. Ces ſuperbes bâtimens, ces Mauſolées magnifiques, ces Coloſſes prodigieux, & une infinité de rares ouvrages que l’on croit immortels, ont à peu près le même ſort que la gloire des Conquérans. Le tems, a qui rien ne réſiſte, ruine enfin tout ce qu’il y a de plus beau & de plus parfait dans les ouvrages de la Nature & de l’Art. Democrite, après avoir connu le ridicule des deſſeins ambitieux des hommes, rioit ſans ceſſe de la vanité de leurs projets. Combien ſe donnent-ils de mouvemens ! Combien de ſang répandent-ils pour contenter leur vanité, & pour mériter le nom de Conquérans ! Si l’Hiſtoire ne nous trompe point, Xerxes, Roi de Perſe, ramaſſa plus d’un million d’hommes, pour deſoler & pour envahir la Grece ; mais ces grands préparatifs au lieu de le couvrir de gloire, le couvrirent de honte. L’on pourroit avec quelque raiſon comparer ce Prince à la Montagne, qui n’enfante qu’une Souris.

Monte aux plus grands honneurs, enchaîne la Fortune,
Fais qu’aucun n’ait un ſort ſi brillant que le tien :
Tu deſcens dans la tombe, à tous elle eſt commune ;
Là de tes grands projets que te reſte-t-il ? Rien.


FABLE XXIV.

D’un vieux Chien & de ſon Maître.

Un Chaſſeur pourſuivant un Cerf, encourageoit ſon Chien pour courir avec plus de vîteſſe ; mais ce Chien appéſanti par la