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ces qu’ils nous font. C’eſt ce que le ſage Eſope a parfaitement bien repréſenté dans la conduite du Loup à l’égard de la Truie ; car dans les offres de ſervices qu’il lui faiſoit, il ne ſongeoit qu’à devorer ſes petits, au lieu de penſer de bonne foi à leur conſervation, comme il tâchoit fauſſement de la faire entendre à la Truie. Nous ne devons pas nous ſçavoir trop bon gré des diſcours obligeans que des gens vicieux tiennent de nous ; c’eſt ſouvent un piege délicat qu’ils nous tendent pour s’inſinuer dans notre amitié ; car on ne peut guere ſe défendre de s’affectionner à ceux qui diſent du bien de nous ou qui s’offrent de nous en faire. Mais il faut refuſer les faveurs des méchans, de quelque eſpece qu’elles puiſſent être. Le plus court eſt de rompre avec eux tout commerce, & de les prier de ſe retirer, comme la Truie pria le Loup de s’éloigner d’elle.

Quelque empreſſé pour vous qu’un ſcélérat vous ſemble,
Fuyez-en le commerce ; il n’eſt utile à rien.
On confond avec lui ſouvent l’homme de bien.
Quand ils ont habitude enſemble.


FABLE XXIII.

De l’accouchement d’une Montagne.

Il courut autrefois un bruit, qu’une Montagne devoit enfanter. En effet, elle pouſſoit des cris épouvantables, qui ſembloient menacer le monde de quelque grand prodige. Tout le Peuple étonné de ce bruit, ſe rendit en foule au pied de la