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FABLE XIV.

Le Lion caſſé de vieilleſſe.

Le Lion dans ſa jeuneſſe abuſant inſolemment de la force, & de l’aſcendant qu’il avoit ſur les autres animaux, ſe fit pluſieurs ennemis. Quand ils le virent uſé & affoibli par les années, ils reſolurent de concert de tirer vengeance de ſes cruautés, & de lui rendre la pareille. Le Sanglier le meurtriſſoit avec ſes deffenſes ; le Taureau l’attaquoit avec ſes cornes. Mais les plus ſenſibles au Lion étoient les coups de pied que l’âne, le plus vil & le plus mépriſable de ſes ennemis, lui donnoit en l’inſultant.


SENS MORAL.

Ceux qui uſent inſolemment de leur bonne fortune, ne trouvent guere d’amis dans leurs disgraces. Le Lion pénétré de douleur, diſoit en gémiſſant : ceux que j’ai déſobligé autrefois me font maintenant tout le mal qu’ils peuvent, en ſe vengeant avec quelque ſorte de raiſon ; mais ce qui me déſeſpère, c’eſt que les autres à qui j’ai fait plaiſir, au-lieu de me rendre la pareille, me haïſſent ſans ſujet. J’ai eu tort de me faire tant d’ennemis par de violens procédés, & de m’être confié ſi legèrement à de faux amis. Le vieux Lion étendu & languiſſant à l’entrée de ſa caverne, repréſente la fin funeſte des méchans, qui abuſent de leur force, ou de leur autorité, pour faire à tout le monde tout le