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imprécations, ne pouvant ſe venger autrement de ſa perfidie. Peu de tems après quelques-uns immolèrent une chèvre, qu’ils firent brûler dans un champ voiſin. L’Aigle vint fondre déſſus, & enleva une partie de la victime qu’elle porta dans ſon nid avec quelques charbons ardens qui y mirent le feu. Le vent venant à ſouffler avec impétuoſité, les aiglons qui n’avoient point encore de plumes, tombérent au pied de l’arbre. Le Renard y accourut, & les dévora tous à la vuë de l’Aigle.

SENS MORAL.

Ceux qui violent les droits de l’amitié, portent tôt ou tard la peine de leur perfidie, & périſſent enfin après avoir opprimé injuſtement les malheureux. Quoique l’Aigle ſoit un animal noble & fier, Eſope la repréſente en cette Fable comme un perfide & un fourbe qui trompe le Renard avec lequel il avoit contracté une amitié très étroite. Peut-être qu’Eſope a voulu faire connoître ſous ce ſymbole l’extrême foibleſſe des hommes, & de quoi ils ſons capables quand ils ſe laiſſent aller à leur méchant naturel. Quelques vertueux qu’ils ſoient, il n’y a point de vice à quoi ils ne s’abandonnent, quand ils ſuivent le penchant qui les porte à l’injuſtice ; ils perdent dans un moment, par leurs déſordres, toute la gloire qu’ils ont acquiſe par leurs vertus. Peut-être auſſi qu’Eſope a voulu montrer par cette Fable, qu’on n’eſt point obligé de garder