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6 PREMIÈRE PARTIE. — D’AOÛT 1789 À MARS 1790. fermier et le juge que ce dernier se contentera de la moitié de ses honoraires ; le juge fait ce sacrifice en faveur du fermier, et malgré ce sacrifice qu’il devrait faire en faveur des redevables, il gagne bien sa journée. 11 faut en venir à des saisies, à des exécutions mobilières, à la vente des grains ou autre chose saisie ; les conventions entre le fermier ou régisseur et l’huissier sont à peu près les mêmes que celles des assignations ; remarquons ici que ces perfides fermiers ou régisseurs appellent toutes ces coquineries le tour du bâton ; je laisse à décider à mon lecteur si ce fermier ou régisseur ne mérite pas d’être attaché à un long bâton, je veux dire à une haute potence. Justice des seigneurs. — Le juge est trop souvent un ignorant, et s’il ne l’est pas, ses officiers le sont ; les procureurs, qui sontpresque toujours, à la campagne, des hommes illettrés et sans pas [sic) une connaissance des lois, jugent les trois quarts des affaires à l’absence du juge qui, chargé de plusieurs judicatures et éloigné par conséquent de plusieurs de ses sièges, ne peut se rendre tous les jours d’audience ; pour lors ses procureurs, faisant la fonction de juge, jugent à tort et à travers et augmentent souvent les frais sans nécessité ; quelquefois ils consultent un avocat et lui font passer la procédure : voilà des frais (pi’on porte au compte et qui sont à la charge des plaideurs qui deviennent la dupe et les victimes de l’ignorance de leurs juges. Je dois observer ici que les vexations dont je me plains me déplaisent chez tous les seigneurs et surtout chez les seigneurs ecclésiastiques et encore plus chez les seigneurs moines ; mais que dis-je, un moine seigneur, en France, un homme qui a fait par état vœu de pauvreté, endosser la qualité de seigneur, jouir de cinq, de dix, de vingt mille francs de rente, dévorer lui seul plus que tous les habitants d’une petite ville ou d’une grande paroisse de la campagne, en vérité c’est un abus, une injustice, un scandale qui n’a pas d’exempl( On refuse à plusieurs curés des campagnes, à un congruisfe, un misérable, cent pistoles, et on laisse à un seigneur moine dix ou vingt mille livres de rente ; ce curé, cependant, prêche bien ou mal l’Evangile, il inspire h. ses paroissiens la crainte de Dieu et l’obéissance à son roi, il administre les sacrements, il visite les malades, il ensevelit les morts, il soulage ([uelquefois les pauvres, il mange ses revenus avec ses paroissiens et ses voisins, enfin il est de quel(pie utilité ; mais le seigneur moine est aujourd’hui tout à la fois inutile et pn’judieiable à l’Ktat et à la religion.