Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.
82
TREIZIÈME AVENTURE.

marchands crurent qu’il suffisoit de me jeter sur leurs paniers pour être maîtres de ma peau. Alors je fis mon repas, puis en descendant j’emportai un hareng à votre intention ; car voyez-vous, Primaut, malgré votre mauvaise conduite, je vous aimois toujours. Mais maintenant, j’y pense : il ne tiendroit qu’à vous d’avoir la même aubaine ; seulement il faudroit courir après la charrette, avant qu’elle n’arrivât à la foire. Vous savez comme j’ai fait, vous n’aurez qu’à recommencer. — Par saint Leu ! » dit Primaut, « tu es d’excellent conseil ; je cours après les marchands ; attends-moi ici, je reviendrai dès que j’aurai fait bonne gorge de leur poisson. »

Primaut se met aussitôt à jouer des jambes ; il atteint la charrette comme elle approchoit de l’enceinte où se tenoit la foire. Il la dépasse, ne perd pas de temps, se couche dans la voie et fait le mort comme Renart lui en avoit donné la leçon. Les marchands l’ayant aperçu : « Ah ! » crièrent-ils, « le loup ! le loup ! allons à lui ; on croiroit qu’il est mort. Voudroit-il nous jouer le même tour que le maudit goupil ? Nous allons voir. »

Tous les gens de la charrette arrivent du même pas autour de Primaut qui se garde de faire un mouvement, pendant qu’ils le tournent