Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
PRIMAUT ET LES POISSONNIERS.

bons amis, croyez-moi, et ne parlons plus de ce qui est passé.

— Eh bien, soit ! » dit Renart, « j’oublie tout, puisque vous le désirez ; mais je voudrois que votre foi fût engagée : promettez de me tenir loyauté, et je m’engagerai de même envers vous. » Tous deux alors tendirent les mains, en signe d’alliance. Mais Primaut seul étoit en résolution de tenir la parole donnée.

Cependant, Primaut n’avoit pas cessé d’être à jeun, et apercevant le hareng que Renart avoit apporté : « Que tiens-tu là, compain, » dit-il, « entre tes pieds ? — C’est un hareng, un simple hareng : Je viens d’en manger tant que j’ai voulu, dans une charrette qui se rendoit à la foire. — Ah ! compain, » reprit Primaut, « tu sais que depuis hier matin je n’ai rien mangé ; voudrois-tu bien me donner ce poisson ? — Très-volontiers, » dit Renart, « le voici. » Primaut l’eut en un instant dévoré. « Ah ! le bon hareng, pourquoi n’est-il mieux accompagné ! hélas ! il n’a pu tout seul apaiser une faim telle que la mienne. Mais, ami Renart, de grâce, comment as-tu pu gagner ceux que tu as mangés ? — Voici toute l’histoire, » répond l’autre. « Quand je vis venir la charrette, je me couchai tout du long sur le chemin, faisant mine de mort. Les