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ONZIÈME AVENTURE.

suis sûr qu’il nous l’auroit donné. Tu sais que ce n’est pas pour moi que je parle ; seulement j’ai regret de voir que tu n’es pas aussi bien partagé que moi.

Renart. Comment ! sire Primaut, voudriez vous me fausser compagnie et m’exclure du partage ?

Primaut. Le partage ? Pour cela, tu n’y penses pas ; eh ! que diroit mon patron, le bon saint Leu ?

Renart. Pourtant, vous aurez grande honte et vous ferez un péché mortel, si vous gardez tout pour vous.

Primaut. Voilà des paroles bien inutiles : ai-je besoin de tes sermons ? Si tu as faim, qui t’empêche de faire un tour dans le bois et d’y chercher ta proie, comme les autres jours ? »

Renart ne répond pas ; il sait qu’icy les reproches ne lui serviroient guères. Pour menacer et défier Primaut il faudroit être aussi fort que lui, et Renart se rend justice. Il aima mieux s’éloigner ; mais il étoit surtout fâché d’avoir trouvé son maître en felonie : « Damp Primaut, » dit-il, « vient de jouer mon personnage ; en vérité, je le croyois plus sot. Il m’a fait ce qu’on appelle la compagnie Taisseau[1].

  1. Vers 1110, Robert, duc de Normandie, ayant été obligé de quitter Caen, le gardien de la porte principale