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DIXIÈME AVENTURE.

des yeux une fenêtre ouverte, fait un élan, l’atteint du premier saut et s’échappe enfin de l’église. Criblé de blessures, il n’a d’autre consolation que les vêtements qu’il emporte, et c’est dans ce costume qu’il gagne le bois et qu’il rend grâces à Dieu de lui avoir conservé la vie. « Maudit soit le prouvère ! il me paiera cher un autre jour tous les coups que j’ai reçus ! Je jure Hermengart, ma femme, de ne rien laisser ici, ni vache ni brebis. S’il a demain à chanter messe, qu’il cherche celui qui lui rapportera son étole et son aumusse ; il faudra qu’il emprunte, pour l’office, la jupe de la prêtresse, et qu’il fasse une aube de sa guimpe. Mais Renart ! qu’est-il devenu ? c’est lui pourtant qui me conduisit au moutier, et qui m’a laissé après m’avoir mis dans l’embarras. Ah ! si je le retrouve, je n’irai pas porter ma plainte à la cour du roi Noble, je me ferai justice moi-même et je l’empêcherai d’essayer jamais des tours pareils. Mais j’aurois dû me tenir pour défié, et l’exemple de mon frère Ysengrin pouvoit bien me tenir lieu d’avertissement. »

Parlant ainsi, il découvre sous un chêne maître Renart qui, l’air contrit, les yeux larmoyants, sembloit arrêté pour l’attendre. « Ah ! vous voilà donc enfin, sire Primaut », dit-il, « soyez le bienvenu ! — Et moi, » dit Pri-