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LA MESSE DE PRIMAUT.

hauts cris, et le clerc se sauve dans la ville en criant de toutes ses forces : « Alarme ! alarme ! les diables sont entrés dans le moutier ! ils ont tué Monsieur le Curé, et nous avons eu grand peine à nous sauver. » Les vilains réveillés en sursaut se lèvent, s’habillent et tous se portent vers le moutier.

Il falloit les voir alors : l’un a endossé son haubert de cuir, l’autre a coiffé son vieux chapeau de fer enfumé ; celui-ci a tiré du fumier sa fourche encore humide, celui-là s’est fait accompagner de ses chiens ; d’autres brandissent des épées rouillées, dressent des bâtons, des fléaux, agitent des haches, des massues ; tous enfin se préparent à lutter rien que contre les diables d’enfer. Le prêtre étoit revenu à lui : « Oui, mes enfants », leur dit-il, « le diable est dans l’église, il faut lui courir sus. » Le bruit de la foule interrompt la messe de Primaut : il se retourne, s’étonne, la peur le prend et le dégrise. Il court au trou, il étoit fermé ; il revient à l’autel, il va, vient, de plus en plus effrayé. Le prêtre, lui voyant l’oreille basse, le frappe de son levier : furieux, Primaut se jette sur l’agresseur et l’auroit mis en pièces si les vilains lui en avaient laissé le temps. Tous alors le huent, le daubent, lui brisent les reins, lui enlèvent la moitié de l’échine. Le pauvre Primaut fait alors un suprême effort : il mesure