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SEPTIÈME AVENTURE.

un brocart aux voituriers. « Dieu vous maintienne en joie, beaux vendeurs de poisson !, » leur cria-t-il. « J’ai fait avec vous un partage de frère : j’ai mangé vos plus gros harengs et j’emporte vos meilleures anguilles ; mais je laisse le plus grand nombre. »

Quelle ne fut pas alors la surprise des marchands ! Ils crient : Au Goupil, au Goupil ! mais le goupil ne les redoutoit guères : il avoit les meilleures jambes. « Fâcheux contre-temps ! » disent-ils, « et quelle perte pour nous, au lieu du profit que nous pensions tirer de ce maudit animal ! Voyez comme il a dégagé nos paniers ; puisse-t-il en crever au moins d’indigestion ! »

« Tant qu’il vous plaira, » dit Renart, « je ne crains ni vous ni vos souhaits. » Puis il reprit tranquillement le chemin de Maupertuis. Hermeline, la bonne et sage dame, l’attendoit à l’entrée ; ses deux fils, Malebranche et Percehaye, le reçurent avec tout le respect qui lui etoit du, et quand on vit ce qu’il rapportoit, ce fut une joie et des embrassemens sans fin. « À table ! » s’écria-t-il, « que l’on ait soin de bien fermer les portes, et que personne ne s’avise de nous déranger. »