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SEPTIÈME AVENTURE.

grace au vent de bise qui avoit soufflé toute la semaine, on avoit fait pêche abondante ; leurs paniers crévoient sous le poids des anguilles et des lamproies qu’ils avoient encore achetées, chemin faisant.

À la distance d’une portée d’arc, Renart reconnut aisément les lamproies et les anguilles. Son plan est bientôt fait : il rampe sans être apperçu jusqu’au milieu du chemin, il s’étend et se vautre, jambes écartées, dents rechignées, la langue pantelante, sans mouvement et sans haleine. La voiture avance ; un des marchands regarde, voit un corps immobile, et appelant son compagnon : « Je ne me trompe pas, c’est un goupil ou un blaireau. — C’est un goupil, » dit l’autre ; « descendons emparons-nous-en, et surtout qu’il ne nous échappe. » Alors ils arrêtent le cheval, vont à Renart, le poussent du pied, le pincent et le tirent ; et comme ils le voient immobile, ils ne doutent pas qu’il ne soit mort. « Nous n’avions pas besoin d’user de grande adresse ; mais que peut valoir sa pelisse ? — Quatre livres, » dit l’un. « — Dites cinq » reprend l’autre, « et pour le moins ; voyez sa gorge, comme elle est blanche et fournie ! C’est la bonne saison. Jetons-le sur la charrette. »

Ainsi dit, ainsi fait. On le saisit par les pieds, on le lance entre les paniers, et la voiture se