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QUATRIÈME AVENTURE.

toit du bois voisin, planoit dans la prairie et alloit s’abattre dans un plessis qui sembloit lui promettre bonne aventure.

Là se trouvoit un millier de fromages qu’on avoit exposés, pour les secher, à un tour de soleil. La gardienne étoit rentrée pour un moment au logis, et Tiecelin saisissant l’occasion, s’arrêta sur un des plus beaux et reprit son vol au moment où la vieille reparoissoit. « Ah ! mon beau monsieur, c’est pour vous que séchoient mes fromages ! » Disant cela, la vieille jetoit pierres et cailloux. « Tais-toi, tais-toi, la vieille, » répond Tiecelin ; « quand on demandera qui l’a pris, tu diras : c’est moi, c’est moi ! car la mauvaise garde nourrit le loup. »

Tiecelin s’éloigne et s’en vient percher sur le fau qui couvroit damp Renart de son frais ombrage. Réunis par le même arbre, leur situation étoit loin d’être pareille. Tiecelin savouroit ce qu’il aimoit le mieux ; Renart, également friand du fromage et de celui qui en étoit le maître, les regardoit sans espoir de les atteindre. Le fromage à demi séché donnoit une entrée facile aux coups de bec : Tiecelin en tire le plus jaune et le plus tendre ; puis il attaque la croûte dont une parcelle lui échappe et va tomber aux pieds de l’arbre. Renart lève la tête et salue Tiecelin qu’il voit fièrement