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RENART ET NOIRET.

ret : en échange d’une mort belle et glorieuse, tu auras la compagnie des anges, et tu jouiras, pendant l’éternité, de la vue de Dieu lui-même. »

« Je le veux bien, sire Renart, » répondit Noiret, « ce n’est pas la mort qui m’afflige et me révolte ; car après tout, je finirai comme les Croisés, et je suis assuré, comme eux, d’une bonne soudée. Si je me désole, c’est pour les chapons mes bons amis, surtout pour ces chères et belles gelines que vous avez vues le long des haies, et qui seront un jour mangées, sans le même profit pour leurs âmes. Allons ! n’y pensons plus. Mais donnez-moi du courage, damp Renart ; par exemple, vous feriez une bonne œuvre si vous me disiez une petite chanson pieuse pour m’aider à mieux gagner l’entrée du Paradis. J’oublierois qu’il me faut mourir, et j’en serois mieux reçu parmi les élus. N’est-ce que cela, Noiret ? » reprend aussitôt Renart, « eh ! que ne le disois-tu ! Par la foi que je dois à Hermeline, il ne sera pas dit que tu sois refusé ; écoute plutôt. »

Renart se mit alors à entonner une chansonnette nouvelle, à laquelle Noiret sembloit prendre grand plaisir. Mais comme il filoit un trait prolongé, Noiret fait un mouvement, s’échappe, bat des ailes, et gagne le haut d’un