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TROISIÈME AVENTURE.

merci, damp Renart, Dieu vous le rende et madame Sainte Marie ! »

Berton s’éloigne, et Renart, tenant Noiret entre ses dents, prend le chemin de Maupertuis, joyeux de penser qu’il pourra bientôt partager avec Hermeline, sa bien-aimée, la chair et les os de la pauvre bête. Mais il ne sait pas ce qui lui pend encore à l’œil. En passant sous une voûte qui traversoit le chemin d’un autre village, il entend le coq gémir et se plaindre. Renart, assez tendre ce jour-là, lui demande bonnement ce qu’il a tant à pleurer. « Vous le savez bien, » dit le coq ; « maudite l’heure où je suis né ! devois-je être ainsi payé de mes services auprès de ce Berton, le plus ingrat des vilains ! Pour cela, Noiret, » dit Renart, « tu as tort, et tu devrois montrer plus de courage. Écoute-moi un peu, mon bon Noiret. Le seigneur a-t-il droit de disposer de son serf ? Oui, n’est-ce pas ? aussi vrai que je suis chrétien, au maître de commander, au serf d’obéir. Le serf doit donner sa vie pour son maître ; bien plus, il ne sauroit désirer de meilleure, de plus belle mort. Tu sais bien cela, Noiret, on te l’a cent fois répété. Eh bien ! sans toi, Berton auroit payé de sa personne : s’il ne t’avoit pas eu pour racheter son corps, il seroit mort à l’heure qu’il est. Reprends donc courage, ami Noi-