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RENART ET NOIRET.

Rien ne peut alors se comparer à l’effroi, au désespoir du vilain. Il pleure des yeux, il soupire du cœur, il crie merci du ton le plus pitoyable. « Ah ! pitié, sire Renart, pitié au nom de Dieu ! Ordonnez, dites ce que vous attendez de moi, j’obéirai ; voulez-vous me recevoir pour votre homme, le reste de ma vie ? Voulez-vous.... — Non, vilain, je ne veux rien : tout à l’heure tu m’accablois d’injures, tu jurois de n’avoir de moi merci : c’est mon tour à présent ; par saint Paul ! c’est toi dont on va faire justice, méchant larron ! je te tiens et je te garde, j’en prends à témoin saint Julien, qui te punira de m’avoir si mal hostelé.

— Monseigneur Renart, » reprend le vilain en sanglottant, « soyez envers moi miséricordieux : ne me faites pas du pis que vous pourriez. Je le sais, j’ai mépris envers vous, je m’en accuse humblement. Décidez de l’amende et je l’acquitterai. Recevez-moi comme votre homme, comme votre serf ; prenez ma femme et tout ce qui m’appartient. La composition n’en vaut-elle la peine ? Dans mon logis, vous trouverez tout à souhait, tout est à vous : je n’aurai jamais pièce dont vous ne receviez la dîme ; n’est-ce rien que d’avoir à son service un homme qui peut disposer de tant de choses ! »