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TROISIÈME AVENTURE.

De bonheur pour lui, Berton étoit, ce jour-là, seul à la maison. Sa femme venoit de partir pour aller vendre son fil à la ville, et les garçons étoient dispersés dans les champs, chacun à son ouvrage. Renart, parvenu au pied des haies par un étroit sentier qui séparoit deux blés, aperçut tout d’abord, en plein soleil, nombre chapons, et Noiret tout au milieu, clignant les yeux d’un air indolent, tandis que près de lui, gelines et poussins grattoient à qui mieux mieux la paille amassée derrière un buisson d’épines. Quel irritant aiguillon pour la faim qui le tourmentoit ! Mais ici l’adresse et l’invention servoient de peu : il va, vient, fait et refait le tour des haies, nulle part la moindre trouée. À la fin, cependant, il remarque un pieu moins solidement tenu et comme pourri de vieillesse, près d’un sillon qui servoit à l’écoulement des eaux grossies par les pluies d’orage. Il s’élance, franchit le ruisseau, se coule dans la haie, s’arrête, et déjà ses barbes frissonnent de plaisir à l’idée de la chair savoureuse d’un gros chapon qu’il avise. Immobile, aplati sous une tige épineuse, il guette le moment, il écoute. Cependant Noiret, dans toutes les joies de la confiance, se carre dans le jardin, appelle ses gelines, les flatte ou les gourmande, et se rapprochant de l’endroit où Renart se tient caché, il y com-