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RENART ET NOIRET.

tends Troies la petite, celle où ne régna jamais le roi Priam). La maison tenant au plessis étoit abondamment pourvue de tout ce qu’il est possible de désirer à la campagne : bœufs et vaches, brebis et moutons ; des gelines, des chapons, des œufs, du fromage et du lait. Heureux Renart, s’il peut trouver le moyen d’y entrer !

Mais c’étoit là le difficile. La maison, la cour et les jardins, tout étoit fermé de pieux longs, aigus et solides, protégés eux-mêmes par un fossé rempli d’eau. Je n’ai pas besoin d’ajouter que les jardins étoient ombragés d’arbres chargés des plus beaux fruits ; ce n’étoit pas là ce qui éveilloit l’attention de Renart.

Le vilain avoit nom Bertaud ou Berton le Maire ; homme assez peu subtil, très-avare et surtout désireux d’accroître sa chevance. Plutôt que de manger une de ses gelines, il eût laissé couper ses grenons, et jamais aucun de ses nombreux chapons n’avoit couru le danger d’entrer dans sa marmite. Mais il en envoyoit chaque semaine un certain nombre au marché. Pour Renart il avoit des idées toutes différentes sur le bon usage des chapons et des gelines ; et s’il entre dans la ferme, on peut être sûr qu’il voudra juger par lui-même du goût plus ou moins exquis de ces belles pensionnaires.