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SUR LE ROMAN DE RENART.

mantes compositions, ils essayèrent d’inventer à leur tour : je ne veux pas abuser de nos avantages, mais Dieu sait ce qu’ils imaginèrent.


Ai-je maintenant besoin de dire qu’on pourroit donner une édition préférable à celle de Méon ? Le mérite de ce célèbre éditeur est d’avoir en général assez bien lu les manuscrits ; mais il laissoit beaucoup à désirer du côté du sentiment critique. Dans Renart il n’a pas eu le moindre égard au caractère des récits ; il n’a rien fait pour les disposer dans un ordre que les anciens jongleurs n’avoient jamais senti le besoin d’établir. Ce qui nous déroute le plus aujourd’hui, c’est que la plupart des aventures, surtout les bonnes, sont doubles, triples et même quadruples. La première partie d’un récit est quelquefois d’un trouvère qui n’a pas fait la dernière, et cette dernière partie jure avec ce qui precède. Telle est la belle branche du Jugement. On y lit d’abord avec un plaisir incomparable l’épisode du convoi de dame Copette ; mais quelle fâcheuse surprise quand la fin de la même branche nous amène Pelé le rat et deux chauves-souris qui viennent recommencer la même scène ! Les bons manuscrits ne portoient pas cette insupportable répétition.

La ferme de Constant Desnos devient, sous la plume de Pierre de Saint-Cloud, la ferme de Berton le Maire ; mais au moins là, c’est un assaut d’invention et de génie. L’aventure du piége dans lequel un des animaux fait tomber son compagnon est quatre fois redite. Tybert et Primaus chantent la messe que rechantent plus loin Renart et Ysengrin et, plus loin encore, Renart et Tybert. Ce dernier dispute deux fois à Renart la même proie, et