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RENART ET CHANTECLER.

répondez : Oui, à votre nez, et malgré vous. Cela seul les fera taire. »

On l’a dit bien souvent ; il n’est sage qui parfois ne follie. Renart, le trompeur universel, fut ici trompé lui-même, et quand il entendit la voix de Constant Desnois, il prit plaisir à lui répondre : Oui, vilains, je prends votre coq, et malgré vous. Mais Chantecler, dès qu’il ne sent plus l’étreinte des dents, fait un effort, échappe, bat des ailes, et le voilà sur les hautes branches d’un pommier voisin, tandis que, dépité et surpris, Renart revient sur ses pas et comprend la sottise irréparable qu’il a faite. « Ah ! mon beau cousin » lui dit le coq, « voilà le moment de réfléchir sur les changements de fortune. — Maudit soit, » dit Renart, « la bouche qui s’avise de parler quand elle doit se taire ! — Oui », reprend Chantecler, « et la malegoute crève l’œil qui va se fermer quand il devoit s’ouvrir plus grand que jamais. Voyez-vous, Renart, fol toujours sera qui de rien vous croira : au diable votre beau cousinage ! J’ai vu le moment où j’allois le payer bien cher ; mais pour vous, je vous engage à jouer des jambes, si pourtant vous tenez à votre pelisse. »

Renart ne s’amusa pas à répondre. Une fourrée le mit à l’abri des chasseurs. Il s’éloigna l’âme triste et la panse vide, tandis