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SUR LE ROMAN DE RENART.

duc de Normandie, mal assuré de la fidélité des bourgeois de Caen, ne voulut pas attendre dans cette ville l’arrivée du roi d’Angleterre Henry Ier, son compétiteur. Il en sortit à la nuit tombante, et quand il eut passé la porte Milet, les gens qui conduisoient ses bagages furent arrêtés et dépouillés par celui que le Duc avoit chargé de la garde des barrières ; et cet homme se nommoit Taisson.

À la porte Milet passeit,
Ô grans maisnies qu’il menoit,
Uns barriers qui ot non Taisson,
Ne sai s’il avoit aultre non,
Un chambrelen a encontré,
D’une male l’a destrossé :
Et li dus s’en ala avant,
Ne vout retorner por itant.
Li pautonnier qui iço virent,
Ço que Taisson ot fet si firent ;
Les escuiers ont destrossé
Et abatus et destorbez.

(Wace, vers 1646.)

La compagnie Tassel dont parle notre Renart pourrait bien être celle dont le duc Robert avoit eu si juste occasion de se plaindre. De Taisson à Tassel il n’y a pas loin assurément, et tant qu’on n’aura pas trouvé une autre façon d’interpreter ce passage, je ne renoncerai pas à ma conjecture.

Je réunis deux autres indices de date. Quand Ysengrin se voit seul dans le puits, le trouvère fait un rapprochement entre sa position désesperée et celle des chrétiens qui gémissent dans les prisons d’Alep :

Ysengrins est en male trape ;
Se il fust pris devant Halape,
Ne fust-il pas si adolés.

(Méon, vers 6209.)